Journée ordinaire à l’Anaconda Lodge

– « Clarita, clarita !!! »
Je lâche mon torchon et sors voir ce qui se passe. Wadee, un peu paniquée, hurle mon nom – ou plutôt mon nouveau surnom depuis quelques jours – et entre en trombe dans le restaurant.
-« Clarita, sabes donde está Lulla ? »
-« No. ¿Porque? »
-« No está con Poppy. Voy a ver a la piscina. ¿Puedes quedarte aquí? »
-« Si, no hay problema. »
De toute façon, je n’ai pas terminé. Il me reste encore une bonne pile d’assiettes à laver et un coup de balai à passer dans la cuisine. Histoire de me donner un peu de courage, je prends un second café et termine l’assiette de pancakes auxquels je m’étais pourtant promis de ne pas toucher.

Mais, avant que je ne reprenne le travail, un coup de téléphone m’arrête. Je réponds ou je ne réponds pas ? ? ?  Je fixe quelques secondes l’appareil, me demandant ce qui sera le pire…  Face à l’insistance des sonneries, je finis par décrocher et prendre le risque de ne pas comprendre un mot de ce qu’on va me raconter.
-« Anaconda Lodge, buenos dias! »
Jusque là, tout va bien! A l’autre bout du fil, une dame me demande si elle peut parler à Donald. Malheureusement, je viens juste de le voir sortir avec le van. Il doit être parti récupérer des clients à l’aéroport et ne devrait pas être de retour avant une bonne vingtaine de minutes. Ça n’a pas l’air de l’embêter tant que ça puisqu’elle poursuit sa discussion. Discussion dont je ne capte que quelques bribes. Je m’excuse pour mon mauvais espagnol et lui demande de répéter. Une histoire de bagages…  OK! Je crois que j’ai à peu près pigé de quoi il retourne cette fois. On verra bien! Je cours appeler Maui et Augusto dans le jardin mais, j’ai beau crier leurs noms aussi fort que possible, pas de réponse… Me faufilant dans les allées, à l’ombre des manguiers, orangers et autres palmiers, je finis par tomber sur mes deux travailleurs, machettes à la main, en plein désherbage au fond du lodge.

Retraduisant ce que je pense avoir compris, je leur demande s’ils peuvent se rendre dans l’agence toute proche du lodge. Là, des clients, de retour d’une excursion dans la jungle, attendraient un coup de main pour porter leurs valises jusqu’à leur bungalow…

Ma tâche accomplie, je retourne au restaurant au moment même où Wadee réapparaît, Poppy autour du cou et la petite Lulla accrochée à sa jambe. Une des touristes américaines l’avait bien amenée avec elle faire bronzette à la piscine. Rassurée d’avoir récupérer la plus jeune de ses protégés, la propriétaire des lieux me confie la garde des deux petits monstres le temps qu’elle se rende à Puerto Maldonado, faire le marché. Les deux singes aggrippés à moi, je vais tâcher d’accomplir cette difficile mission depuis le hamac installé sur la terrasse du restaurant, espérant bien en profiter pour faire une petite pause. Une pause? Lulla est en train de me mordre le pied, je dois courir après Poppy qui cherche à s’enfuir du côté de la piscine et voilà le chien qui saute à son tour dans le hamac… J’abandonne définitivement tout espoir de me reposer lorsque je vois arriver avec un certain soulagement Maui et Augusto portant de gros sacs de voyage, et suivis de trois touristes à la mine réjouie. Ouf! J’avais donc bien compris. Je me charge alors de prendre la clé du bungalow numéro 2 et propose de conduire cette famille d’allemands jusqu’à leur petite habitation de bois. Une bonne excuse pour laisser les deux bébés singes à Maui…

Plus malin que moi, il opte pour une session biberon. Les primates se jettent sur leur petit déjeuner puis finissent enfin par se calmer, laissant Maui tranquillement profiter de sa fin de matinée sur le hamac. Mon hamac… Tant pis, en désespoir de cause, je vais aller faire un petit plongeon dans la piscine en attendant l’heure du déjeuner…

Quelques heures de baby-sitting, de jardinage ou de vaisselle en échange d’une piscine, de bonne bouffe et d’un cadre plutôt sympa : en somme, une vie si difficile pour nous à l’Anaconda Lodge que nous avons repoussé par trois fois notre départ pour profiter pleinement de ce petit coin de paradis !